Comment (vraiment) écouter une personne avec empathie sans tomber dans nos pièges habituels ?
Quand nous n’avons pas appris à écouter avec empathie
(ou comment j’ai failli perdre une amie)
Je vais vous surprendre mais saviez-vous que peu d’entre nous savons réellement apporter du soutien quand une personne nous partage ses difficultés?
Il y a quelques années, avant que je me forme à la communication non violente, une amie me confiait son raz-le-bol général au niveau personnel et professionnel. En l’écoutant silencieusement, je ressentais de la peine et honnêtement, je ne savais pas quoi dire pour la rassurer, alors j’ai préféré me taire plutôt que de dire des banalités du style « c’est pas si grave, ça va aller, etc« .
D’ailleurs pendant longtemps, je me suis souvent sentie démunie face à des personnes qui me partageaient leurs problèmes ou difficultés car je ne savais pas quoi dire [parce que je n’avais pas appris].
Le lendemain, cette amie m’envoie un email en me disant qu’elle était super déçue par mon attitude de la veille, qu’elle avait l’impression que je n’avais rien à cirer de ce qu’elle m’avait partagé, que j’avais été super froide et insensible à son désarroi.
Je l’ai reçu un peu comme ça sur le moment:
J’avoue que j’étais un peu sous le choc parce que ce n’était pas du tout ce que j’avais ressenti! Je lui ai répondu en lui donnant des explications et elle a finalement mieux compris mon attitude de la veille. Happy end!
Peut-être vous sentez-vous parfois démuni ou impuissant face à un ami en difficulté. Et parce que vous êtes mal à l’aise avec le malaise de l’autre, vous vous dépatouillez comme vous pouvez en diagnostiquant, conseillant, rassurant…
Je ne dis pas que c’est mal, je dis que dans un premier temps, ce n’est pas ce qui aide la personne à se sentir comprise et rejointe.
L’empathie en communication non violente
En communication non violente, on distingue l’empathie de la bienveillance : on peut ainsi être bienveillant mais ne pas savoir être empathique.
Isabelle Padovani, enseignante en CNV l’explique merveilleusement bien dans ses vidéos (cf ci-dessous).
Elle explique notamment que lorsque l’on est dans une écoute empathique, il ne s’agit pas d’écouter les pensées de l’autre et les siennes mais de comprendre quel est le besoin qui n’est pas satisfait en ce moment chez l’autre.
Elle décrit également avec beaucoup d’humour que quand une personne se sent rejointe dans ses sentiments et besoins, elle arrête de parler. Car vous l’aurez peut-être remarqué mais certaines personnes ont tendance à radoter. Mais pourquoi radotent-elles? Parce qu’elles ne se sentent pas entendues! Donc elles répètent jusqu’à ce qu’elles se sentent comprises, jusqu’à ce qu’on atteigne notre limite et qu’on lâche un « ça va je ne suis pas sourde, j’ai compris! »
Sauf que ça, c’est tout sauf de l’empathie (en CNV) ! :p
L’empathie en CNV c’est « prendre la mesure de l’intensité de ce que l’autre est en train de vivre« (que ce soit de la joie ou de la tristesse). Cela ne veut pas dire que nous sommes affectés, mais que nous avons de la compassion. On peut se laisser toucher par les émotions d’une personne sans pour autant être affecté.
Autrement dit, il ne s’agit pas d’être triste quand l’autre est triste. Il n’est pas non plus question d’être d’accord avec l’autre mais de percevoir ce que l’autre perçoit en terme d’intensité.
Par exemple, un ami vous raconte les vacances de folie qu’il vient de passer en Thaïlande.
Version « non empathique »:
- Lui: « C‘était un truc de fou ces vacances! On a visité des temples, on s’est baigné dans des eaux turquoises et on a fait de superbes rencontres! »
- Vous (en écoute habituelle): « ah ça avait l’air cool, c’est bien. »
- Lui: « Non mais sérieux, c’était un truc de fou! On a visité des temples magnifiques, on s’est baigné dans des eaux turquoises de ouf malade et on s’est fait pleins d’amis! »
- Vous: « Oui, j’ai compris, c’est cool! «
- Etc.
Version empathique:
- Votre ami: « C‘était un truc de fou ces vacances! On a visité des temples, on s’est baigné dans des eaux turquoises et on a fait de superbes rencontres! »
- Vous (depuis vous avez lu mon article): « Ah ça avait l’air dément ce que tu as vécu, tu as l’air super contente de tes vacances!!! »
- Fin.
L’autre n’a pas besoin de se répéter puisque vous lui avez montré que vous avez compris l’intensité de son émotion!
L’intensité est plus importante que les mots qu’on utilise. D’ailleurs, le non verbal représente 90% de notre communication.
Dans cet exemple, « c’est bon j’ai compris » est inutile. La vraie question de votre ami dans le fond, est:
« Es-tu en lien avec ce que je te raconte? Est ce que tu me rejoins? «
Souvent quand une personne pleure, cela nous met mal à l’aise et on essaye d’atténuer sa tristesse car nous ne sommes pas confortables avec nos propres émotions, ce qui donne: « ça va aller, tu vas t’en sortir » (on rassure, on console) ou le fameux « c’est pas grave « , qui ne rassure pas du tout. Ou des conseils : « tu sais moi à ta place.… »
A l’inverse, comme dirait Isabelle Padovani, nous ne sommes pas obligés de nous noyer pour sentir la température de l’eau. Autrement dit, on n’a pas besoin de pleurer avec la personne ou de couler avec elle pour qu’elle puisse se sentir comprise et soutenue.
Encore une fois, la consolation ou les conseils ne sont pas « mauvais » en soi, mais doivent intervenir dans un second temps, une fois que la personne est rejointe au niveau de ses sentiments et besoins.
Comment fait-on concrètement ?
Lorsque nous voulons nous mettre en empathie avec une personne, nous nous mettons entre parenthèse et nous écoutons ce qui est vivant pour l’autre. Car souvent, nous parlons de ce que cela nous fait, alors que si nous voulons vraiment écouter une personne, nous sommes 100% avec l’autre.
Ca veut dire aussi éviter de dire ce que l’on pense tant que l’autre ne nous l’a pas demandé [je sais, j’en demande beaucoup].
Parce qu’on ne va pas se leurrer. La plupart du temps, on se transforme en diagnostiqueur, conseiller, ou guérisseur parce que NOUS, on a tout compris [« Si elle m’écoutait ça irait mieux !« ] et surtout parce qu’on veut tellement aider et soutenir les personnes que l’on aime, qu’on est souvent pas très délicat, moi la première!
Comme le précise Isabelle, quand on essaye de con-vaincre [vaincre le con], l’autre n’en retire rien et ça ne le fait pas grandir.
Les étapes de l’écoute empathique :
Synthèse de la vidéo d’Isabelle Padovani (exemples modifiés):
Quels sont les sentiments qu’il éprouve, quels sont les besoins qui sont satisfaits, ou pas ? (Télécharger la Liste-sentiments-et-besoins-CNV)
- Quand tu vis ça, est ce que tu te sens vraiment triste, et désespérée à la mesure de ce que tu rêves de vivre dans ta vie professionnelle ? (Je propose avec délicatesse et avec un point d’interrogation).
- Est ce que tu as autre chose à me dire?
- Est ce que tu as envie d’entendre comment moi je me sens quand tu me dis ça? Je suis déçue et triste parce que j’aurais voulu que tu sois dans un travail qui t’épanouisse et qui soit enrichissant pour toi. Et je voudrais te dire que je suis là pour toi si tu as d’autre chose à me partager. [Reflets de MES sentiments]
- C’est comment pour toi quand je te dis ça?
Puis dans un seconde temps, lui demander:
- Je vois quelque chose dans ce que tu me dis mais je ne suis pas sûre que tu le vois aussi. Est ce que tu serais d’accord que je te le partage ?(On vérifie si la personne a les moyens de l’entendre, du moins maintenant).
Si la personne dit non, alors il est inutile de continuer et dans ce cas, vous vous donnerez de l’auto-empathie.
- Ce que j’observe c’est ce que depuis qu’on se connaît… [donner des informations objectives], je m’interroge sur la répétitivité.
Toujours vérifier que l’info qu’on donne est bien reçue. Car parfois, on veut tellement contribuer qu’on « balance » de l’info au lieu de demander à la personne ce qu’elle a bien compris.
- Qu’est ce que tu as compris car je ne suis pas sûre d’être claire?
N’oubliez pas que « ventre affamé d’empathie n’a pas d’oreille » (Marshall Rosenberg). Donnez des petits morceaux et si la personne se vexe, redonnez-lui de l’empathie.
- J’ai l’expérience qu’il y a une autre façon de nourrir le besoin de… Est ce que ça t’intéresserais de connaître une façon de….sans qu’il y ait frustration à la clé ? [lui faire une offre irrésistiblement sexy]
Bien entendu, cet article ne remplacera jamais une formation en CNV mais j’espère qu’il vous donnera des pistes de réflexion.
Et si vous êtes maladroits comme je peux l’être aussi, n’oubliez pas le plus important : c’est l’intention qui compte!
Pacifiquement vôtre,
Mai-Lan